vive la crise (pour combien de temps?)

Publié le par Bruno

Je suis vraiment crevé, après 2 semaines à Miyoshi éreintantes, j'ai dû aussi aller à Hofu dernièrement, 3 jours de suite, et en revenant à Hiroshima à chaque fois le soir. Soit 12 h de voiture (Hiroshima-Hofu=2h). Et pour finir la semaine en beauté, j'ai bossé ce dimanche.
Comme mon collègue allemand avait bossé les 2 dimanche derniers, cette fois ci c'était mon tour, je n'ai pas pu y échapper. Heureusement qu'on est 2; tout seul cela ne serait tout simplement pas possible.

Ce dimanche je suis donc allé à Ujina, pour faire des calibrations de ligne dans l'usine de Mazda.
Ujina est tout près d'Hiroshima, d'ailleurs il y a un bus interne qui conduit à Ujina. C'est là d'où partent les gros bateaux remplis de Mazda à raz-bord en direction de l'Europe, même si en ce moment ils doivent être un peu vides, j'y reviendrai après. En tout cas ces bateaux sont impressionnants.
Une grosse partie des Mazda que l'on voit en Europe sont en effet produites à Hofu/Ujina/Hiroshima, selon les modèles.
Voici ce qui s'est passé en gros dans cette journée, sans commentaire de ma part, juste pour montrer que l'organisation japonaise, c'est quand même pas top:
- RDV à 8h30 devant Mazda
- On attend 30 minutes le bus pour aller à Ujina, car le dimanche il y a moins de bus.
- Au bout d'un quart d'heure, la personne de Mazda s'aperçoit qu'elle s'est trompée de bus. (comme quoi il n'y a pas que mois). Donc on s'arrête et on attend encore le bon bus.
- Arrivée vers 9h30: 18 personnes nous attendent. (j'y reviendrai après)
- Après meeting interne, on me dit que le modèle qu'on devait passer en ligne n'est pas disponible. Finalament, on prendra un autre modèle, pas adapté. Une personne de Mazda note sur papier les résultats.
- 17h: fin du boulot. La personne de Mazda ne retrouve plus son papier... On cherche pendant 30 minutes partout, en vain. Il est 17h30, c'est no overtime. On doit rentrer, sans avoir retrouvé la feuille si précieuse. Quelqu'un retrouvera bien la feuille de résultats dans la semaine, enfin j'espère. Sans ça, il n' y a plus qu'à tout recommencer... un autre dimanche.

Je passe sous silence l'oubli de matériel de la part de Mazda et donc l'aller-retour supplémentaire entre Hiroshima et Mazda et l'heure de perdue.

Mais zen, toujours zen, car ce lundi est férié au Japon donc je peux tenter de me reposer. Certainement parce que c'est le jour du sport, ou bien le jour des enfants, ou le jour des ancêtres, ou un equinoxe quelconque, ou le jour de l'empereur, ou le jour des tortues... Il faudra que je cherche. Honnêtement, là, au moment où j'écris, je m'aperçois que je ne sais pas pourquoi c'est férié

18 personnes donc, dont seulement 1 qui parle un anglais approximatif.
2 personnes qui travaillent un peu avec moi, et les 16 autres autour qui regardent en silence.
C'est comme dans les chantiers sur la route au Japon. Il y a une personne qui tient la pelle et 5 autres positionnées autour à le regarder.
C'est aussi comme dans les réunions japonaises où beaucoup de monde participe mais où seulement 1 ou 2 personnes prennent lma parole, les autres écoutant seulement ou ne se cachant même pas pour dormir.
Je précise que c'est véridique et que ce n'est pas du tout exagéré. Au Japon il est bien vu de dormir, chez Mazda en tout cas.  Cela montre que l'on a beaucoup travaillé, que l'on a fait beaucoup d'heures sup et que l'on est fatigué. Les fournisseurs dorment dans les toilettes mais le client, c'est différent, il peut dormir au bureau ou en réunion.

En réunion, je crois saisir qu'il y a 3 catégories de personnes qui ferment les yeux:
- il y a ceux qui dorment vraiment.
- il y a ceux qui ferment les yeux pour réfléchir. (Au Japon, souvent les réponses ne viennent pas facilement, alors les personnes ferment les yeux plus ou moins longtemps pour réfléchir mieux en essayant de faire  plus ou moins le vide dans leur tête. C'est aussi peut-être pour montrer à son interlocuteur que l'on considère sa question intéressante et sérieuse.)- il y a enfin ceux qui font croire qu'ils réfléchissent alors qu'ils dorment. Ceux-là, je les repère bien. Les japonais ont beau être d'excellents comédiens, je les repère.


Mais venons en à l'objet de ce titre.

Cette semaine, le chef de projet Mazda vient à mon bureau, l'air grave. Je me dis, mince, certainement un grave problème.
"Bruno-san, I have to tell you that unfortunately from now every day is no overworking day."
Bruno, malhereusement je viens t'apprendre que dorénavant tous les jours de la semaine sont des no overworking day. (comme le mercredi.)
J'ai bien-sûr feint d'être aussi attristé par cette nouvelle, j'espère cependant que mon grand éclat de joie intérieur ne s'est pas fait ressentir.
En pratique donc, tous les jours se termineront à 17h30. A 17h30, ils éteignent les lumières, virent les gens et ferment les portes. Comme j'ai été 3 fois à hofu, je n'ai pas trop senti l'application de cette mesure, mais je pourrai la sentir à partir de maintenant j'espère.
Les personnes qui travaillent le dimanche comme cela a été le cas devront prendre un jour de repos en remplacement. (comme dans ma boite)

Alors pourquoi ce titre?
Car cette décision sans précédent chez Mazda, et peut-être même dans les grosses entreprises japonaises en général, est une conséquence directe de la crise actuelle. Il n'y a plus d'argent chez Mazda. Les employés font tous sans exception beaucoup d'heures supplémentaires, et chaque heure supplémentaire est payée. Donc une solution pour faire des économies est d'interdire les heures supplémentaires.
Pourquoi il n'y a plus de sous dans les caisses? Car les gens font preuve de plus de scepticisme à cause de la crise et repoussent l'achat d'une voiture. Les prévisions de vente de Mazda (et autres marques) sont plutôt faibles. De plus le yen est très fort comparé à l'euro (cf mon poste précédent) ce qui est handicappant pour les exportations.

Une petite révolution donc chez Mazda et au Japon.
L'inverse de la devise de Sarkozy: travailler moins et gagner moins.

Pour moi cela ne change rien. Mon salaire est plus élevé que les gens de Mazda mais mes heures sup ne sont pas payées. Donc si je ne fais plus d'heure sup, c'est même plutôt tout benef. J'espère que cela va me permettre de me reposer de Miyoshi.

Je ne sais pas combien de temps cette mesure va durer. Les japonais vont devoir changer leurs méthodes et travailler différemment, avec plus d'efficacité, c'est certain, sinon ils ne vont faire que 50% de  leur boulot.
Cela reveint souvent dans leurs bouches: "Comment on va faire?" Ils semblent un peu perdus et décontenancés par cette décision inhabituelle.
Je pense qu'ils ne vont pas arriver à s'adapter. Au bout d'un moment comme rien ne va marcher (boulot pas fait, retards...) ils vont être obligés de réinstaurer les heures supplémentaires. Je le pressens.

Sinon, dans le même genre, Mazda organise des séminaires avec des titres du genre: "Comment ne pas être déboussolé par la retraite." Les gens à partir de 40 ans vont à ces réunions où il leur est expliqué comment passer ce cap si difficile.
Certes ce n'est pas facile pour tout le monde, cela dépend des personnes, mais chez les japonais, j'ai l'impression que c'est vraiment quelque chose qui les angoisse. Plus qu'ailleurs.

Sinon, autre conséquence de la crise:
Ford va vendre plus de 20% de ses parts dans Mazda, pour ne garder que 10%. Je pense que les gens de Mazda sont plutôt contents de cette nouvelle.
Une personne qui n'est pas contente par contre est ma prof de japonais car elle perd tous ses élèves au fur et à mesure.
Les gens de Ford à qui elle enseignait le japonais rentrent tous au pays, contrats d'expatriation rompus. Ils reviennent en Amérique.
Donc actuellement elle n'a plus que 2 élèves: moi et un autre.
C'est pour cela qu'elle fait le forcing pour que je prenne plus de  cours, c'est presque du harcellement, mais en ce moment je n'ai pas trop le temps. Je cois que cela fait 3 semaines que je n'ai pas pris de cours.

Publié dans hiroshima

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